À fleur de peau, rencontre avec Marc-Antoine Barrois

À l’occasion du lancement de Encelade, le nouveau ‘‘jus’’ très exclusif griffé Marc-Antoine Barrois, le couturier-parfumeur (parisien) était de passage chez Senteurs D’ailleurs. 

Un parfum d’auteur qui n’en rappelle aucun autre. Car, dit le créateur, la meilleure façon de se parfumer, c’est la vôtre ! Il nous parle de mémoire et d’émotion.

Des notes de rhubarbe, de bois de cèdre et de vétiver expriment l’ambivalence de ce parfum d’ombre et de lumière. Ajoutez-y la sensualité (presque) animale du cuir fumé mêlé de santal et de fève tonka et vous découvrirez la séduction du nouveau ‘‘monde’’ imaginaire de Marc-Antoine Barrois. Encelade serait une ‘‘illusion volcanique’’, comme si la lave éructait du plus profond de la Terre dans une jungle luxuriante et bienfaisante.

Chaque parfum que vous créez avec votre collaborateur, le ‘‘nez’’ Quentin Bisch, est-il toujours l’expression d’un univers fantasmé ?

Marc-Antoine Barrois : Oui. Avec Quentin nous créons des fragrances rares et précieuses, sorties tout droit de notre imaginaire, de notre âme d’enfant et de notre goût pour les belles choses. Je dois avouer que j’ai un univers poétique qui peut parfois sembler en décalage avec notre époque où tout va beaucoup trop vite.

Votre première création ?

Le premier parfum que nous avons créé est B683. Clin d’œil à l’élégance intemporelle et charismatique de mes mentors. Cette fragrance est comme une invitation au voyage sur la planète du Petit Prince de Saint-Exupéry. Il est le fruit de ma rencontre avec Quentin Bisch que nos souvenirs d’enfance et nos ‘‘référentiels olfactifs’’ ont réunis : le cuir précieux du cartable de mon père qui était professeur d’université, le sien aussi ; le safran ; les senteurs boisées et végétales en référence à nos balades familiales en forêt ; des notes de feuilles de violette qui me rappelle mon grand-père, un homme élégant dans tous les sens du terme, toujours tiré à quatre épingles… Pour votre information, B683 est le parfum que je porte au quotidien. Je le porte aussi dans sa version ‘‘extrait’’.

Ganymède - Eau de parfum
Encelade - Eau de parfum

Puis il y a eu Ganymède

Oui. Ce qui frappe quand on sent ce parfum, c’est la sensation rare de découvrir une senteur astrale qui n’en rappelle aucune autre : un mélange de mandarine, violette et immortelle, pour un résultat ‘‘cuiré’’ mais solaire, à la ténacité époustouflante. J’ai remarqué un vrai désir des femmes de sortir des sentiers battus. Ce parfum avec un sillage intense est tout simplement, pour elles, l’occasion de se différencier et d’exprimer leur personnalité. Précisons que les parfums que je crée sont non genrés. Ils conviennent tout aussi bien aux femmes qu’aux hommes.

Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis originaire de la région de Lille. Je suis monté à Paris, comme on dit, pour travailler dans la haute couture masculine. Je suis passé par de grandes Maisons, comme le couturier Dominique Sirop, l’atelier couture de Hermès sous la direction de Jean-Paul Gaultier, chez Jean-Claude Jitrois. J’ai même eu le privilège de travailler pour monsieur Hubert de Givenchy. Toutes ces expériences m’ont permis de forger mon style. C’est ainsi qu’en 2006 j’ai présenté ma première collection de couture. J’avais 22 ans.

Votre définition du luxe ?

Le temps. Prendre le temps de bien faire les choses. Prendre aussi le temps de s’arrêter, de contempler, de vivre. Mais, d’une façon plus générale, c’est un mot qui ne me dit pas grand-chose, car le luxe est une valeur très relative. Disons que, pour moi, il représente l’exceptionnel, une identité assumée et des créations abouties. Précisons quand même que nos parfums, même très exclusifs, restent abordables et séduisent de nombreux curieux et esthètes qui cherchent à se faire plaisir.

Je crois savoir que vous êtes impliqué en matière d’éco-responsabilité. Comment cela se traduit-il dans vos créations ?

On peut faire un produit beau et raffiné tout en ayant une éthique d’entreprise forte. Par ex. nos boîtes sont 100% recyclables et fabriquées en France comme le reste des composants de nos parfums. Nous recyclons nos produits de calage et d’envois. Nos parfums sont sans conservateurs ni filtres UV controversés. Et nous proposons le re-remplissage de nos flacons de parfums dans notre boutique de la galerie Véro-Dodat à Paris.

Un parfum mythique ?

Arpège de Lanvin. D’abord parce que c’était le parfum de ma grand-mère. Et puis parce que c’est un grand ‘‘jus’’ qui a réussi à traverser le temps et à séduire d’autres générations de jeunes filles. J’aime cette idée d’intemporalité.

Parlons de Encelade, votre dernière création ?

Son nom s’inspire de la figure mythologique du géant, fils de Gaia (la Terre) et d’Uranus (le Ciel). La légende raconte qu’Encelade a été enterré en Sicile et que sa respiration se fait ressentir à travers les fumées et les éruptions de l’Etna. Au-delà de la mythologie grecque, il y a l’émotion pure de la fusion incandescente sur la peau de quelques bois fastueux (vétiver, santal, cèdre de l’Atlas) et d’une rhubarbe verte, acidulée et tonique. Un parfum d’élévation, que je considère d’une sophistication absolue.

Publié dans: Parfum, Style